掲載する国 France - 社会・エンターテイメント - 22 Feb 2017 07:22 - 11
Le prince Pierre prit du service dans la Légion Étrangère et servit, comme lieutenant, d'abord à l'armée de la Loire, ensuite à l'État-major de la 1re division du 18e corps à l'armée de l'Est.
Voici la lettre par laquelle, la guerre finie, il donna sa démission au ministre. Nos lecteurs verront quel profond amour pour la France y est exprimé.
« Bordeaux, le 6 mars 1871.
« Monsieur le Ministre,
« Lorsque la. guerre a éclaté, j'ai tenu à honneur que ma carrière militaire débutât sous le drapeau français, tant à cause de mes sympathies pour la France que pour reconnaître l'éducation militaire que j'avais reçue d'elle.
« Ancien élève de Saint-Cyr et de l'École d'état-major, j'ai voulu combattre à côté de mes anciens camarades.
« Engagé volontaire dans la légion étrangère, j'ai été nommé officier le 25 septembre 1870 ; c'est à ce titre que j'ai participé à toutes les opérations de l'armée de la Loire. Puis j'ai été attaché à l'état-major de l'armée de l'Est, dans laquelle j'ai combattu jusqu'au moment où elle a pé en Suisse, d'où je suis revenu pour me mettre à nouveau à votre disposition.
« La gerre étant terminée aujourd'hui et des intérêts de famille impérieux réclamant ma présence au milieu des miens, j'ai l'honneur de vous prier, monsieur le ministre, de vouloir bien accepter ma démission.
« Je ne vous l'aurais certainement pas adressée, si la paix n'était pas signée et si l'on avait pu s'attendre à une nouvelle campagne. « Je considérerai comme un des plus précieux souvenirs de ma carrière le temps que j'ai eu l'honneur de per sous les drapeaux et, si je n'ai d'autre souvenir de cette période que le grade qui m'a été confié, la mémoire en restera néanmoins dans mes traditions de famille, où l'on retrouve, depuis de longues années, une fidèle affection envers la France à laquelle la Serbie doit, surtout, depuis cinquante ans, la consolidation de son autonomie et les meilleurs éléments de son indépendance.« KARAGEORGES.»Le premier exemplaire de la médaille de 1870 a été remis au roi de Serbie dès sa première visite à l'Élysée, et le souverain a tenu à porter sur sa poitrine, pendant toute la durée de son séjour à Paris, ce glorieux témoignage de la gratitude de la France pour les services qu'il lui a rendus.
VARIÉTÉ
Quelques pages de l'Histoire de Serbie
Kara Georges, le héros de l'indépendance. - La lutte de deux familles : les Obrenovitch et les Karageorgevitch. - Le roi boulevardier. - Tragédie de palais. - Un souverain qui combattit pour la France.
Demis un siècle, ce royaume de Serbie, dont le souverain vient d'être l'hôte de la France, n'a cessé d'être disputé par deux familles, les Karageorges et les Obrenovitch.
Au début du. XIXe siècle, la Serbie était livrée sans défense au joug des Turcs. La redoutable troupe des janissaires occupait Belgrade et ce n'étaient que pillages et macres. Toute la noblesse serbe avait quitté les villes et les campagnes pour se réfugier dans la province de Choumadia, mif montagneux, couvert d'impénétrables forêts.
Là, tous ces patriotes ruinés par les exactions des Turcs attendaient résignés le macre suprême, décidés à vendre chèrement leur vie. Eux, morts, c'en serait fait à tout jamais de la Serbie, et Belgrade redeviendrait ville turque comme elle l'avait été au temps du sultan Amurat.
« C'est alors, dit M. Coquette, dans son livré sur la Serbie, que sortit du sein de la nation un homme digne d'être mis au rang des héros les plus illustres de tous les temps, et destiné par sa bravoure, sa force d'âme et son habileté, à jouer un rôle prépondérant dans l'histoire de la Serbie contemporaine.
Cet homme s'appelait Georges Petrovitch. Il avait combattu en 1788 dans l'armée que l'empereur d'Autriche Joseph II et l'impératrice Catherine de Russie avaient envoyée dans les Balkans pour en cher les Ottomans. Les Turcs, témoins de ses hauts fait et de sa farouche audace, l'avaient surnommé Kara Georges, Georges le noir.
Son glorieux pé, son patriotisme ardent le désignaient à la fureur des Janissaires. Sa tête était mise à prix. Kara Gorges parvint cependant à gagner la choumadia et à rejoindre les nobles serbes qui s'y étaient réfugiés. Là, chaque jour, affluait tout ce que la Serbie comptait encore d'hommes en état de tenir un fusil. Bientôt, la Choumadia fut un immense camp retranché, et, comme le dit un chant héroïque serbe : « Chaque arbre devint un soldat ».
Il fallait un chef à cette armée. On acclama, Kara Georges.
- J'accepte, répondit-il à ceux qui lui offraient le commandement, mais vous savez que, si je suis loyal et simple, je suis aussi violent. Si l'on me désobéit, je n'essaierai point de rétablir mon pouvoir par des discours, je tuerai.
- Tant mieux, lui répondit-on, nous voulons un chef énergique. Et la guerre de l'indépendance commença.
Une première armée de Turcs et de Bosniaques vint échouer devant Slivenza, où Kara Georges s'était retranché. Un dixième à peine de cette armée put regagner la Bosnie.D'autres victoires rendirent d'abord aux Serbes la possession de Belgrade. Mais deux nouvelles armées turques envahissent le pays. Kara Georges, avec des forces trois fois inférieures, leur inflige de sanglantes défaites. A Moschar, neuf mille Serbes taillent en pièces trente mille hommes des meilleures troupes de la Porte.
Les Ottomans avaient repris Belgrade. Le 12 décembre 1806, au milieu de la nuit, Kara Georges, avec une poignée d'hommes, surprend la ville et l'emporte d'aut.
La Serbie est reconstituée et libre, mais cela ne suffit pas au héros serbe. Il pe la frontière et porte la guerre en Herzégovine. Il bat les Turcs dans plusieurs rencontres. Ses compatriotes l'acclament prince de Serbie. Mais il semble que cette dignité ait marqué la fin de ses succès militaires ; son génie faiblit, son énergie disparaît. En 1813, il laisse écraser par les Turcs plusieurs de ses lieutenants auxquels il eût pu porter secours. « L'autorité dont il était revêtu depuis deux ans, dit M. Coquelle, paralysait ses forces ; la responsabilité si lourde qu'il sentait peser sur ses épaules écrasait son énergie, il succombait à la peur, lui qui avait bravé la mort dans vingt batailles et, saisi d'un sentiment inexplicable, il se dérobait, manquait à ses devoirs et terminait sa carrière, jusque-là si glorieuse, par une fuite honteuse en Hongrie.
Quelle singulière destinée que celle de cet homme qui, au moment où son but est presque atteint, succombe devant la peur du pouvoir, et qui, presque sans transition, pe du plus pur héroïsme à l'abandon de toute énergie, et ternit par une lâche inaction toute la gloire de son pé.
Les causes qui déterminèrent cette misérable évolution dans la vie de Kara Georges n'ont jamais été expliquées. Elles demeurent un des problèmes les plus singuliers et mystérieux de l'histoire.
La fuite de Kara Georges a livré de nouveau la Serbie aux Turcs. Les Serbes se sont, pour la seconde fois, réfugiés dans les impénétrables forêts de la Choumadia et, pour remplacer le prince déchu, ils ont élu comme chef un de ses lieutenants, le jeune Milosh Obrenovitch.
Milosh, plus diplomate que soldat, renonça d'abord à la guerre. Il traita avec les Turcs et se reconnut val du Sultan. Mais bientôt, la volonté même du pays le força à reprendre les armes. Il fut vainqueur. Et la Serbie, à la suite de cette guerre, conquit, sinon son indépendance, du moins une autonomie aussi complète que possible. Seuls, un tribut qu'elle devait payer chaque année à Constantinople et la présence à Belgrade d'un gouverneur ottoman et d'une faible garnison turque marquaient sur elle la suzeraineté du Sultan.
Mais ces peuples turbulents des Balkans ont besoin de dépenser leur énergie. Quand ils ne se battent pas contre le Turc, ennemi héréditaire, il faut qu'ils se battent entre eux. A peine la paix était-elle urée avec l'Ottoman que commençait la guerre entre les Karageorges et les Obrenovitch.
Un parti de mécontents s'était formé qui voulait détrôner Milosh et mettre Kara Georges à sa placé. Celui-ci était rentré d'exil. Mais il n'eût pas le temps de commencer les hostilités. Quelques jours après son retour il était iné, et un chef de bandes, nommé Vouitza, apportait sa tête à Milosh.
On accusa ce dernier de l'avoir fait iner, mais Milosh s'en défendit avec une émouvante énergie. Il témoigna au contraire une vive douleur de la fin tragique de son ancien chef ; et ses Partisans affirmèrent que Kara Georges avait été tué par ordre des Turcs qui craignaient que son retour dans le pays n'y rallumât la guerre.
Milosh régna donc en paix jusqu'au jour où un soulèvement de nobles mécontents le força à abdiquer en faveur de son fils Milan.
Mais ce Milan était d'une santé débile. Il mourut après vingt-cinq jours de règne. Son frère Michel lui succéda. Et c'est alors que recommença la guerre entré les partisans des Karageorges et ceux des Obrenovitch.
En 1842, Michel était détrôné au profit d'Alexandre Kara Georgevitch, fils du fameux héros de l'indépendance serbe. Seize ans plus tard Alexandre était à son tour détrôné et Milosh, le vieux Milosh qu'on avait débarqué en 1839, remontait sur le trône.
Quelques années plus tard, son fils Michel lui succédait. Mais après huit ans d'un règne presque paisible, le malheureux prince devait finir tragiquement.
Le 10 juin 1868, au soir, il se promenait dans le parc de Topchidère, sa résidence d'été, à quatre kilomètres de Belgrade, lorsque, d'un groupe de trois personnes qui venaient de le croiser et de le saluer respectueusement, partirent des coups de feu. Le prince tomba atteint de plusieurs balles dans le dos ; il fut tué sur le coup.
Michel n'ayant pas d'enfants, avait adopté un des ses cousins, le jeune Milan Obrenovitch. Celui-ci fut un monarque singulier, un de ces « rois en exil » que Daudet a si merveilleusement dépeints.
Il avait fait ses études à Paris et c'est de là qu'il partit au mois dé juin 1868 pour aller prendre le pouvoir. Mais les joies du pouvoir ne lui parurent jamais valoir celles du boulevard. Milan s'ennuyait à Belgrade... Il songeait mélancoliquement à Paris, à ses plaisirs, à ses folies. En vain les Serbes changèrent-ils son titre de prince contre celui de roi, Milan préférait encore celui de boulevardier parisien. Constamment il abandonnait son palais, son trône, sa femme, cette admirable reine Nathalie, dont les vertus et la résignation firent l'admiration de toute l'Europe ; et il accourait à Paris vivre de la vie qu'il rêvait. Les restaurants de nuit, les tripots étaient les endroits où on le rencontrait d'ordinaire en joyeuse compagnie, et sa liste civile ne suffisait pas à payer toutes les folies de cette majesté cascadeuse.
Tant et si bien que, comme les Serbes, à la fin, se plaignaient des incartades de leur souverain, celui-ci leur tira sa couronne et lâcha définitivement Belgrade pour Paris.
Ce règne de Milan fut la période insouciante et légère de la royauté en Serbie. Une période tragique devait lui succéder.
Les événements qui terminèrent le règne d'Alexandre, fils et successeur de Milan, sont encore dans toutes les mémoires.
Alexandre s'était épris d'une jeune femme de la bourgeoisie serbe, Draga Maschin. Il résolut de la faire reine en l'épousant. Cette mésalliance fut pour les ennemis du roi une occasion qu'ils ne laissèrent point échapper, d'agiter le pays contre lui.
L'ex-roi Milan qui vivait alors à Vienne, la reine Nathalie elle-même, les ministres, tentèrent par tous les moyens d'amener Alexandre à renoncer à ce projet. Le jeune roi ne voulut rien entendre. Il aimait Draga d'un amour effréné. A la veille de la proclamation de ses fiançailles, il lui écrivait cette lettre pionnée:« Chérie.
» Lorsque je suis sorti hier de chez toi, je me suis rappelé tes paroles avec mon âme vibrante d'amour, et je n'ai pas fermé les yeux pendant toute la nuit. Je suis resté absorbé dans une étrange méditation.
» Il m'est impossible, désormais, de rester loin de toi...
» Je voudrais vivre dans l'obscurité, à côté de toi, consacré tout à toi, à ton amour, loin des soucis de cette affreuse grandeur mais tes arguments me réconfortent et me soutiennent. Je suis roi, je suis le dernier de ma maison, et je dois rester sur le trône jusqu'au bout.
» C'est ma dette d'honneur. Mais est-ce que toi, ma Draga, tu dois partager avec moi les dangers du trône, et avec moi marcher à l'encontre des événements qui nous attendent ?... »
Le jeune roi ne se dissimulait pas, d'ailleurs, toutes les difficultés qui allaient naître pour lui de cette union.
« La nouvelle de notre mariage, écrivait-il, soulèvera une tempête. Déjà, je vois les ministres, montés par Georgevitch et par Milan, se dresser contre nous, tous pleins de venin pour détruire la liaison qui unit nos deux coeurs. Moi, je les vaincrai, je leur montrerai que je suis vraiment roi de Serbie, et que personne n'a le droit de m'imposer son caprice. Je ne veux croire à nul autre qu'à toi, Draga, ange gardien et épouse, et d'ici peu ma femme et ma .reine !
» L'avenir me paraît serein à côté dé toi », ajoutait-il...
L'avenir !... le pauvre petit roi n'en soupçonnait pas toute l'horreur. Il ne pensait qu'à sa Draga, à son amour, à sa folie.
« A toi jusqu'à la mort ! » disait-il en terminant sa lettre... Jusqu'à la mort il fut à elle, en effet, et il devait mourir en essayant de la protéger contre les coups des ins.
Le mariage eut lieu. Il parut même s'être accompli sous les plus heureux auspices. Le peuple approuvait son roi d'avoir choisi pour femme une fille serbe. Habitants des villes et des campagnes étaient vénus en foule à Belgrade et saluaient la reine de vibrants zivios !
Mais les noces accomplies, la campagne contre la reine se poursuivit avec une ardeur ininterrompue. On lui reprochait d'avoir pris toute la place dans les conseils du roi. On lui faisait un crime de ne point avoir d'enfant. Son imlarité grandissait. Elle sentait que pour sauver son mari il lui faudrait peut-être se séparer de lui.
La veille du jour affreux où elle devait périr, elle écrivait à une amie:« J'aime Sacha (c'était le nom familier qu'elle donnait au roi), cette bonne âme fidèle, infiniment, et je n'hésiterai pas a lui faire le sacrifice et à me séparer de lui.. Je sens que je suis haïe et que le fait que nous n'avons pas d'enfants augmente les dangers qui nous menacent...
» Je suis tourmentée par de fâcheux présages la nuit. Je suis hantée par l'image terrible de Michel mourant. Je tends des mains suppliantes vers les meurtriers et leur crié : « Ne frappez plus, frères, cela suffit... »
Ces supplications qu'elle entendait en rêve, son mari et elle-même devaient, le lendemain du jour où elle écrivait cette lettre, les adresser, eux aussi, aux ins.
Cependant Alexandre ne savait rien du complot tramé contre lui. Il ne redoutait rien.
Draga disait dans cette même lettre :« Sacha a bonne confiance, il croit malgé tout à l'étoile des Obrenovitch... »
Quelques heures plus tard, l'étoile d'Obrenovitch devait s'éteindre sous un voile sanglant.
Et c'était le macre dans le palais même, des souverains, de leurs alliés, de leurs serviteurs ; les corps du roi et de la reine percés de coups et jetés pantelants par la fenêtre.
Et Alexandre succombait dans un dernier effort pour défendre sa bien-aimée... « A toi, jusqu'a la mort ! ..
Ces événements amenèrent. le retour sur le trone de Serbie de la dynastie de Kara Goerges. Depuis quarante-six ans, Pierre Karageorgevitch vivait à Paris. Fils d'Alexandre, le prince détrôné en 1858, et petit-fils du héros de l'indépendance serbe, Pierre Karageorgevitch avait pé toute sa vie en exil. Venu tout jeune en France, il y fit ses études. Il était élève à l'Ecole militaire de Saint-Cyr quand la guerre éclata en 1870. Avec une belle ardeur et un noble amour du pays qui lui donnait asile, le jeune prince s'engagea dans la Légion étrangère et il s'y comporta vaillamment. Il se distingua d'une façon particulière à la bataille d'Orléans, pendant laquelle il défendit vigoureusement la gare des Aubrais.
Esprit libéral, coeur droit et généreux, Pierre Karageorgevitch n'avait trempé en aucune façon dans le complot et le meurtre affreux du roi Alexandre et de la reine Drapa. Appelé par la volonté du peuple et par les voeux unanimes de la Schouptina serbe, il monta sur le trône de Belgrade. Depuis huit ans qu'il règne, il a su maintenir son pays dans une ère de calme et de paix.
La France à laquelle il a toujours gardé le plus vif attachement, n'a point oublié, non plus qu'il combattit naguère pour elle.
Et l'accueil que Paris a fait au roi de Serbie lui a montré éloquemment qu'on se souvient chez nous du geste héroïque et généreux de Pierre Karageorgevitch, engagé volontaire pour la défense de notre pays.
Ernest LAUT.
Le Petit Journal illustré du 26 novembre 1911
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Le petit Jurnal 1911 - https://www.erevollution.com/sr/article/23763
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